publié le 04/11/2024
Vainqueur: Prix Archibald 2024 Laura Jones, Tim Winton, huile sur toile 198 x 152.5 cm. Détail
L’exposition du Prix Archibald vient de clore ses portes au musée d’art national de la Nouvelle-Galles du Sud. Faisant partie des 57 finalistes en lice, Laura Jones a remporté la coquette somme de $100.000 pour son portrait de Tim Winton, un auteur qui se veut la coqueluche des lecteurs australiens. Sa prose si évocatrice des paysages du sud-ouest de sa contrée natale fait l’unanimité aux Antipodes mais dans l’Hexagone, les férus de littérature antipodéenne sont plus frileux. Force est de constater que l’auteur jouit d’un lectorat international par le biais des traductions multiples de ses livres (avec un vif intérêt exprimé du côté de la Chine et du Royaume Uni), mais parmi la trentaine de prix qu’il a reçu, rares sont ceux qui n’ont pas été attribués sur le sol australien.
Son premier roman, An Open Swimmer (1982), donne le ton de sa production livresque qui entremêle intimisme et réalisme. La culture balnéaire est très présente dans son œuvre parce que la plage tient lieu de seul exutoire pour les habitants d’Australie Occidentale qui doivent composer avec les étendues désertiques de leur région.
Né en 1960 à Scarborough de famille modeste, Tim Winton a vécu une enfance partagée entre la banlieue et la côte occidentale. Écrivain chrétien proche du peuple, il est en affinité avec la terre qu’il honore dans ses histoires. Influencé par ses contemporains comme Les Murray, Patrick White et Helen Garner, Winton sait s’engager sur des sujets sensibles comme le droit des Aborigènes, l’écologie et l’environnement en lien avec le développement durable [lire son roman Shallows (1984) et son essai : Island Home : A Landscape Memoir (2015)]. C’est précisément dans ce contexte que Laura Jones a fait sa connaissance en 2016 lorsqu’elle s’intéressa de près au blanchiment de la Grande Barrière de corail. Lors de sa rencontre avec cet écrivain prolifique qui a publié une trentaine de livres, elle a été profondément touchée par son humilité. Tim Winton milite également pour la réconciliation avec les autochtones ainsi que pour leurs droits fonciers.
Conséquence directe du sentiment de marginalisation qu’ont les natifs de l’Australie occidentale, les protagonistes de Winton sont des individus lambda qui évoluent à la lisière de la société. Son archétype est une personne d’origine prolétaire en errance dans un environnement relativement hostile. Ses romans régionaux, définis comme des narrations situées sur la zone côtière (coastal narratives), dépeignent invariablement des communautés rurales dans une prose très descriptive.
Tim Winton est un écrivain inclassable dans la mesure où il a un profil assez ambigu qui joue sur plusieurs tableaux: un auteur qui attire les médias mais qui se tient à bonne distance des critiques littéraires ; un intellectuel certes, mais qui se sent plus à l’aise avec les sujets du quotidien qui intéressent le prolétariat ; un romancier à succès de la trempe des Thea Astley, Peter Carey, Christopher Koch, Helen Garner, David Malouf ou Patrick White, mais dont l’œuvre n’a pas été aussi étudiée par la critique universitaire.
Pour en savoir plus sur la culture littéraire australienne, lire Jean-François Vernay, Panorama du roman australien (éditions Hermann).