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"Le relativisme existe aussi dans la vérité scientifique."

publié le 01/07/2021

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On ne demande pas à la science d’établir une vérité absolue mais de faire une distinction entre les interprétations hâtives, les fausses certitudes et les faits réels, explique le professeur Edgardo D. Carosella, immunologiste à l’hôpital Saint-Louis (Paris).

« Le relativisme existe aussi dans la vérité scientifique »

Depuis que l’état de pandémie a été établi, nous observons dans la plupart des pays un déversement d’informations à travers tous les moyens de communication. Comment discerner le vrai du faux face à une nouvelle maladie dont nous ignorons presque tout ? Cela nous amène à nous interroger sur l’existence de la vérité scientifique. Définir la vérité est un exercice périlleux auquel, depuis Aristote, de nombreux philosophes se sont attelés, car nous y avons assidûment recours et lui accordons une grande importance.

Néanmoins, selon les théories sur la vérité, particulièrement celles de la correspondance, de la cohérence, du pragmatisme et du consensus, la vérité émerge principalement de la communication et de ses échanges. Cela implique un langage ordonné et structuré non seulement dans sa construction mais aussi par le choix des mots qui doivent exprimer le plus fidèlement possible la réalité, évitant toute simplification tendancieuse, séductrice, idéologique, opérée à travers des phrases préconçues dont le seul objectif est d’avoir le dernier mot.

Vérités et contrevérités sont souvent liées. En effet, plus le retentissement de l’information est grand, plus la tentation de s’éloigner de la réalité augmente. Lorsque cette distorsion de la réalité atteint la sphère politique, elle peut influencer ses positions et décisions, mettant ainsi les individus à l’écart de la vérité. Si l’information engendre l’angoisse, la méfiance s’installe et rend l’individu sceptique, le renfermant sur lui-même. Cela restreint encore sa liberté ; pourtant c’est la vérité qui rend l’individu libre. Dans ces conditions, comment discerner le vrai du faux ?

Le principe de cohérence n’accepte pas la contradiction

En science, est considéré comme vrai ce qui est démontrable, vérifiable et reproductible par soi-même et les autres. Néanmoins, en utilisant les mêmes méthodes et outils, l’erreur devient reproductible et s’intègre ainsi à la vérité. Dans ce cas, où sont les limites entre erreur et vérité ? D’autant que parfois, l’erreur est une vérité inattendue. Le relativisme présent dans tous les domaines de la conscience existe aussi dans la vérité scientifique.

Précurseur du relativisme scientifique, l’économiste et sociologue Max Weber (1864-1920) soutient qu’en science, plus important que le principe de vérité est celui de la cohérence qui engage les chercheurs à s’en tenir strictement aux conclusions issues des résultats de leur expérimentation. C’est une mise en perspective du réel qui écarte toute opinion personnelle. Paradoxalement, le principe de cohérence n’accepte pas la moindre contradiction, pourtant la vérité scientifique émerge des échanges contradictoires et des incertitudes.

Vérité et incertitude sont les deux composantes d’une même conscience qui permet à l’individu d’avancer dans sa recherche, contrairement à la certitude qui l’obscurcit et le rend quiescent. Toutefois, il n’intègre pas l’ensemble des données.

La science responsable de l’être humain

En effet, il n’est pas acceptable de se fier à l’infaillibilité de la conscience car la diversité des jugements la rend relative, ni d’accorder sa confiance au pragmatisme, puisque celui-ci est fondé sur la meilleure explication trouvée et l’intérêt commun. Suivant ce raisonnement, il n’y aurait qu’une vérité relative et subjective. On pourrait retenir la phrase du psychologue et philosophe américain William James (1842-1910) « La vérité vit à crédit ».

Le discernement est aussi un moyen important d’approcher la vérité, car il permet de réaliser une sélection reposant sur la prudence, elle-même issue de l’expertise, ce qui donne à chacun toute sa capacité de jugement.

La science a une responsabilité envers l’être humain et son espèce, on ne lui demande pas d’établir une vérité absolue mais de faire une distinction entre les interprétations hâtives, les fausses certitudes et les faits réels. Autrement dit, distinguer les résultats scientifiques de ceux qui ne le sont pas. Si cela est presque évident en science, cela ne l’est pas dans bien d’autres domaines où la croyance populaire devient une vérité faisant partie des traditions et se fondant dans l’histoire même d’une région.

Une recherche constante et inachevée

La recherche de la vérité est aussi la sagesse de résister à la séduction de l’imaginaire ou à la grandiloquence par lesquelles s’insinuent les fausses informations. La philosophie et la scolastique définissent la vérité comme « adequatio intellectus et rei » (l’adéquation entre l’intelligence et la chose), c’est-à-dire que le raisonnement de l’individu est capable de décrire les choses telles qu’elles sont.

L’accélération des développements scientifiques et la réflexion éthique de ce dernier siècle nous apprennent combien il est complexe d’accepter complètement la vérité sans pouvoir la confronter à un fait réel. La virtualité appliquée à tous les secteurs nous fait douter de nos propres sens. Ce que nous regardons ou écoutons existe-t-il vraiment ? Le doute s’immisce dans notre raisonnement, non comme incitateur à la réflexion mais plutôt comme une certitude, créant un scepticisme général qui peut conduire à une totale indifférence. La vérité en vient alors à s’auto-annihiler sans avoir démontré son authenticité.

Cela ne concerne pas seulement la virtualité de la réalité, mais aussi la confrontation entre la vérité et celle du pouvoir où les décisions démocratiques sont prises comme détentrices de la vérité. Ainsi, la société à travers ses élus dit ce qui lui semble juste mais pas toujours ce qui est vrai, contrairement à la science qui dit ce qui lui semble vrai mais pas ce qui est juste.

Tout cela nous montre la difficulté d’appréhender la vérité, qui surgit après avoir été confrontée aux différentes analyses précédemment citées, mais surtout il ne faut pas croire que la vérité n’existe pas, une telle affirmation reviendrait à nier notre propre existence. Il s’agit surtout de mettre en relief le fait que même si la vérité existe, elle n’est jamais acquise. C’est une recherche intense, constante et toujours inachevée, qui doit occuper une grande place dans la vie de chacun.

Edgardo D. CAROSELLA

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